Lanthanides : présentation
Les lanthanides
Ce, Pr, Nd, Pm, Sm, Eu, Gd, Tb, Dy, Ho, Er, Tm, Yb, Lu
Z = 58 à 71
Des « terres rares » pas si rares qu’il n’y parait !
Les « terres rares » représentent le groupe des lanthanides (éléments de numéros atomiques compris entre 58 et 71, du cérium au lutétium) auquel on ajoute, du fait de propriétés chimiques voisines (même colonne de la classification périodique), le lanthane (La), l'yttrium (Y) et le scandium (Sc). On distingue les terres cériques (lanthane, cérium, praséodyme et néodyme) des terres yttriques (les autres terres rares). Le lanthane est parfois considéré comme appartenant au groupe des lanthanides et donne son nom à cette famille d ‘éléments.
Place dans la classification périodique
Cette famille de 14 éléments se place dans la sixième période de la classification périodique, où elle constitue le bloc f. Elle est située entre le lanthane [Xe] 6s25d1 (colonne 3, groupe du scandium), et l’hafnium [Xe] 4f145d26s2 (colonne 4, groupe du titane). http://old.iupac.org/reports/periodic_table/IUPAC_Periodic_Table-21Jan11.pdf
Tableau 1
Élément |
Symbole |
Configuration électronique |
Degrés d’oxydation |
Abondance dans la croute terrestre (ppm) |
Cérium |
Ce |
[Xe] 4f15d16s2 |
+3, +4 |
66,0 |
Praséodyme |
Pr |
[Xe] 4f36s2 |
+3, +4 |
9,1 |
Néodyme |
Nd |
[Xe] 4f46s2 |
+2,+3, (+4) |
40,0 |
Prométhium |
Pm |
[Xe] 4f56s2 |
+3 |
4,5*10-10 * |
Samarium |
Sm |
[Xe] 4f66s2 |
+2,+3 |
7,0 |
Europium |
Eu |
[Xe] 4f76s2 |
+2,+3 |
2,1 |
Gadolinium |
Gd |
[Xe] 4f75d16s2 |
+3 |
6,1 |
Terbium |
Tb |
[Xe] 4f96s2 |
+3, +4 |
1,2 |
Dysprosium |
Dy |
[Xe] 4f106s2 |
+3, (+4) |
4,5 |
Holmium |
Ho |
[Xe] 4f116s2 |
+3 |
1,4 |
Erbium |
Er |
[Xe] 4f126s2 |
+3 |
3,5 |
Thulium |
Tm |
[Xe] 4f136s2 |
+2,+3 |
0,5 |
Ytterbium |
Yb |
[Xe] 4f146s2 |
+2,+3 |
3,1 |
Lutétium |
Lu |
[Xe] 4f145d16s2 |
+3 |
0,8 |
* Produit de fission de l’uranium
Structure électronique, configuration de l’état fondamental
On peut définir les lanthanides comme des éléments à couche f incomplète (avec les actinides), comme les éléments de transition sont les éléments à couche d incomplète – dans l’un de leurs états d’oxydation -. Il y a 7 orbitales f donc 14 éléments. La configuration électronique de l’état fondamental est indiquée dans le tableau ci-dessus pour chaque lanthanide. Les niveaux 4f et 5d sont très proches et selon le nombre d’électrons, on constate que les configurations électroniques possibles sont [Xe] 4fn6s2 (majoritaire pour les lanthanides) et [Xe] 4fn5d16s2 (pour le premier élément, le cérium, le dernier le lutétium – couche f complète – et l’élément médian, le gadolinium, où la configuration 4f75d1 est stabilisée par interaction d’échange, ce que l’on traduit souvent par : un niveau d’énergie à moitié rempli ou totalement rempli a une très grande stabilité.
D’une façon générale, les orbitales f sont « enfouies » près du noyau et jouent peu de rôle dans les propriétés chimiques.
L’énergie du champ des ligands – extrêmement importante pour la chimie des éléments de transition – est ici faible (» 100 cm-1) comparée au couplage spin-orbite (» 2000 cm-1) qui est fort dans les atomes de Z élevé.
Le bon nombre quantique pour décrire l’état fondamental des lanthanides est J plutôt que L et S (J = L+S, le caractère gras indique qu’il s’agit de moments angulaires, grandeurs vectorielles. Et donc l’état fondamental est écrit non sous forme de terme 2S+1L mais de niveaux ou états 2S+1LJ.
Abondance dans la nature
Contrairement au nom attribué “terres rares”, ces éléments sont abondants hormis le prométhéum dont des traces se trouvent dans les minerais d’uranium. Dans la croûte terrestre, le cérium est le 26ème élément le plus abondant (cinq fois plus que le plomb), le thulium (le moins abondant avant le prométhéum) est plus abondant que l’iode !
Principaux minerais
Une centaine de minerais contiennent des lanthanides. Seuls deux minerais ont une importance commerciale. Le minerai Monazite est un orthophosphate de terres rares (TR) et de thorium , (TR,Th)PO4, c’est le minerai le plus abondant. C’est également le principal minerai de thorium. C’est souvent un sous-produit du traitement de l’ilménite (minerai de titane), exploitée dans les sables de plages, en Australie, Inde, Brésil, Malaisie…
Le minerai Bastnaésite est un fluorocarbonate, (TR)FCO3, à forte teneur en terres cériques et, relativement, en europium. Il est exploité en Chine (sous-produit d’une mine de fer, à Bayan Obo, Mongolie Intérieure) et aux États-Unis.
Propriétés chimiques
La structure électronique permet la formation d’ions trivalents Ln3+ de configuration électronique [Xe] 4fn.
Ce sont des métaux réducteurs. Leur comportement s’apparente à celui des alcalino-terreux. Les potentiels standard d’oxydoréduction E° (Ln0/Ln3+) varient autour de -2,3V (sauf Eu - -1,99V) .
La chimie de coordination des lanthanides est largement dominée par le degré d’oxydation +III, bien que certains lanthanides puissent exister au degré +II (Eu, Sm, qui peuvent être utilisés comme réducteurs) ou +IV (Ce). Le Ce4+ est un réactif oxydant bien connu en chimie notamment analytique.
Les ions lanthanides trivalents (notés de façon générique Ln3+) présentent une remarquable homogénéité de propriétés chimiques, le seul paramètre significatif variant de façon monotone le long de la série étant la taille de l’ion (quantifiée à l’aide du rayon ionique). En effet, du début à la fin de la série, le rayon ionique décroît régulièrement, phénomène appelé « contraction lanthanidique ». Ceci est simplement dû à l’augmentation régulière du numéro atomique effectif Zeff car, quand Z augmente d’une unité, l’électron f supplémentaire « écrante » imparfaitement la charge du proton. Ce phénomène est la règle dans une ligne de la classification périodique. L’effet est d’ailleurs plus fort avec les métaux de transition, qui sont moins bien « écrantés ». Ce qui rend le phénomène important dans le cas des lanthanides est que cette contraction est le seul élément sur lequel puisse jouer le chimiste pour séparer les éléments : c’est possible mais difficile. Elle explique aussi la similitude des rayons avec celui de l’yttrium que l’on retrouve dans les mêmes minerais.
Les rayons des lanthanides sont plus importants que ceux des éléments de transition. Leur nombre de coordination est donc plus élevé. Il diminue le long de la ligne. Avec davantage de premiers voisins, les polyèdres de coordination sont plus nombreux et les structures plus complexes – notamment en chimie de coordination.
Pour en savoir plus :
Principales propriétés physicochimiques, évolution dans la période
Tableau 2 : Extrait de Chemistry of the elements par N. N. Greenwood et A. Earnshaw éditeur PERGAMON PRESS
Elément |
Nombre d’isotopes naturels |
Rayon atomique (pm) |
Température de fusion (°C) |
Température d’ébullition (°C) |
Masse volumique (kg.m-3) |
Résistivité électrique (µΩ.cm) |
Cérium |
4 |
181,8 |
798 |
3433 |
6770 |
73 |
Praséodyme |
1 |
182,4 |
931 |
3520 |
6773 |
68 |
Néodyme |
7 |
181,4 |
1021 |
3074 |
7007 |
64 |
Prométhéum |
0 |
183,4 |
1042 |
- |
- |
- |
Samarium |
7 |
180,4 |
1074 |
1794 |
7520 |
88 |
Europium |
2 |
208,4 |
822 |
1429 |
5234 |
90 |
Gadolinium |
7 |
180,4 |
1313 |
3273 |
7900 |
134 |
Terbium |
1 |
177,3 |
1365 |
3230 |
8229 |
114 |
Dysprosium |
7 |
178,1 |
1412 |
2567 |
8550 |
57 |
Holmium |
1 |
176,1 |
1474 |
2700 |
8795 |
87 |
Erbium |
6 |
176,1 |
1529 |
2868 |
9066 |
87 |
Thulium |
1 |
175,9 |
1545 |
1950 |
9321 |
79 |
Ytterbium |
7 |
193,3 |
819 |
1196 |
6965 |
29 |
Lutétium |
2 |
173,8 |
1663 |
3402 |
9840 |
79 |
A l’état de métal, tous les lanthanides sont des solides gris sauf l’europium et l’ytterbium qui sont de couleur jaune pâle.
Rayon atomique
Les rayons atomiques sont très proches pour tous les lanthanides et présentent la « contraction » déjà commentée pour les ions trivalents quand Z augmente sauf pour l’europium et l’ytterbium où le rayon métallique est beaucoup plus grand, de manière spectaculaire. L’interprétation est que la structure électronique des lanthanides métaux (hors europium et ytterbium) peut être schématisée par un ensemble d’ions trivalents Ln3+ de configuration 4fn (à électrons localisés) et par trois électrons de conduction délocalisés dans une bande formée à partir des orbitales 5d et 6s (voir Tableau 1). Les métaux europium et ytterbium (4f76s2 et 4f76s2) sont décrits par un ensemble d’ions divalents Ln2+ – plus volumineux que Ln3+ -, de configuration 4fn+1 (électrons localisés) et par les deux électrons 6s de conduction délocalisés dans une bande formée à partir des orbitales 5d et 6s. On peut observer que ce sont les deux éléments pour lesquels la couche f est soit à moitié, soit totalement remplie.
Toutes les propriétés des éléments qui impliquent la participation d’un nouvel électron f marque une discontinuité analogue pour europium et ytterbium par rapport aux autres lanthanides (voir Tableau 2).
Conductivité électrique
Les lanthanides, sauf l’ytterbium, ont une faible conductivité électrique (résistivité assez élevée pour des métaux), en comparaison du baryum, alcalino-terreux de la 6ème ligne, (34 µΩ.cm), de l’hafnium, élément du bloc d le plus proche des lanthanides (35 µΩ.cm).
Magnétisme
Les ions lanthanides possèdent des propriétés magnétiques tout à fait remarquables qui tiennent à leur structure électronique.
Le niveau fondamental, 2S+1LJ est le plus souvent bien séparé du premier niveau excité, grâce au couplage spin-orbite. On peut donc décrire les propriétés magnétiques par le moment magnétique me = g[J(J+1)]1/2 (exprimé en magnéton de Bohr) avec g = 1 + []J(J+1)+S(S+1—L(L+1)/[2J(L+1)]. Le gadolinium(III) avec un état fondamental 8L7/2, présente le plus fort spin de la classification périodique. Le complexe [Gd(III)(EDTA)(H2O)3]– est utilisé en imagerie médicale pour modifier le déplacement chimique des atomes d’hydrogène des molécules d’eau des tissus et donc pour améliorer la résolution de la technique (IRM avec injection de gadolinium).
Une autre propriété est l’anisotropie magnétique – liée évidemment à la structure électronique - qui se manifeste par exemple par de fortes hystérésis dans les courbes d’aimantation. Combinée à la propriété d’interaction d’échange des éléments de transition – qui assure des températures de Curie élevées -, cette propriété donne des alliages qui sont aujourd’hui les aimants les plus coercitifs (Samarium-Cobalt SmCo5 et Sm2Co17 ou Néodyme-Fer-Bore, Nd2Fe14B) : température de Curie élevée (grâce au métal de transition) ; rémanence et champ coercitif importants (grâce au lanthanide).
Voir par exemple :
http://www.dailymotion.com/video/xas6v1_experiences-avec-des-aimants-perman_tech
un remarquable film sur les aimants néodyme fer bore
http://www.supermagnete.de/fre/project68?switch_lang=1
http://www.supermagnete.es/fre/project96?category=experiment
site commercial (vente d’aimants) avec exemples d’applications.
Luminescence
La luminescence est une autre des propriétés remarquables de certains lanthanides. Lorsqu’un lanthanide entouré de ligands (oxyde ou molécule) est excité, il peut y avoir transfert de l’excitation du ligand vers un état excité de l’ion lanthanide qui se désexcite en émettant de la lumière, de couleur différente en fonction de l’élément (utilisation dans les écrans d’affichage de téléviseurs). C’est une application importante des lanthanides. Pour l’absorption, le champ des ligands n’ayant pas un forte influence sur les niveaux d’énergie, les raies d’absorption sont fines, on peut s’en servir pour calibrer les spectromètres (raies de l’holmium notamment).
Bibliographie :
- Chemistry of the elements par N. N. Greenwood et A. Earnshaw éditeur PERGAMON PRESS
- Cours de M. Bouvet, ESCPI en fichier pdf
http://www.espci.fr/enseignement/download.php?e=cmi&id=68
- Chemical. Reviews, 102 (6), 1805 -1806, 2002
Un numéro spécial, avec 22 articles en anglais, sur la chimie des lanthanides, leurs propriétés et leurs utilisations avec une introduction d’Henri B. Kagan Frontiers in Lanthanide Chemistry.
Importance industrielle et économique
On les retrouve dans l’industrie du verre, les céramiques, les lampes…
Pour en savoir plus :
- Consulter le site de la SCF les Données sur les principaux produits chimiques, métaux et matériaux, Auteurs : J-L Vignes, G. André, F. Kapala
- http://www.societechimiquedefrance.fr/extras/Donnees/acc.htm
- http://www.eco-info.org/spip.php?article169
EcoInfo est un groupe de travail, créé au printemps 2006, par un très petit noyau d’ingénieurs en informatique (spécialisés en systèmes, réseaux et serveurs de calcul) pour analyser en particulier l’impact environnemental des équipements informatiques tout au long du cycle de vie des équipements (de l’extraction des matières première au traitement de fin de vie). Différents articles de synthèse sont ainsi publiés sur ce site.
- http://smart2000.pagesperso-orange.fr/lanthanides_david_pier.htm#what utilisation en céramique
- Dans l’actualité chimique :
N° 308-309 mai-juin 2007 - Les luminophores pour l'éclairage fluorescent par Bernard Moine (Le principe de l'éclairage fluorescent repose sur l'émission lumineuse des ions lanthanides excités par un rayonnement ultraviolet).
N° 330 mai 2009 - Les cryptates et leurs applications au domaine de la santé par Hervé Bazin (Les cryptants constituent une famille de composés polycycliques complexant des cations. Les propriétés photophysiques des cations séquestrés sont profondément modifiées : ce phénomène est mis à profit dans les cryptates photoactifs complexant des ions lanthanides.)
Toxicité - importance biologique
- http://www.pharmacorama.com/Rubriques/Output/Iode_Baryum_Gadolinium4.php utilisation de complexes du gadolinium en imagerie médicale
- http://smart2000.pagesperso-orange.fr/lanthanides_toxicologie.htm sur ce site dédié aux passionnés de céramique, un médecin du travail E. Bastarache présente la toxicologie des lanthanides.
- http://www.lenntech.fr/francais/data-perio/ en cliquant sur un élément de la série, les différentes informations sur la toxicité et l’impact sur l ‘environnement apparaissent.
Histoire, Date de la mise en évidence, origine du nom
En 1751 A. F. Cronstedt, minéralogiste suédois découvre un minerai noir dans les carrières d’Ytterby (Suède). En 1794, J. Gadolin, chimiste finlandais, isole un oxyde de ce minerai (appelé yttrite par A.G. Ekeberg en 1797). En 1803 en Allemagne, M. H. Klaproth et J. J. Berzelius et W. Hisinger en Suède, isolent un nouvel oxyde du même type nommé cérite. Entre 1839 et 1843, C. G. Mosander, chimiste suédois montre qu’il s’agit de mélanges dans les deux cas.
En 1907, la composition de ces deux minerais indique la présence de 13 éléments nouveaux appartenant à cette famille des lanthanides.
Le petit village d’Ytterby près de Stockholm est célébré dans les noms de quatre éléments : Terbium, Erbium, Ytterbium,
En 1947 l’élément instable prométhium a été isolé dans les résidus d’un réacteur nucléaire à Oak Ridge (USA). Le nom a été suggéré par la femme de C.D. Coryell, l’un des scientifiques qui ont découvert l‘élément.
Élément |
Date |
Isolé par |
Origine du nom |
Cérium |
1839 |
C. G. Mosander |
Planète Cérès |
Praséodyme |
1885 |
C.A. von Welsbach |
Vient du grec : praesos (vert) didumos (jumeau) |
Néodyme |
1885 |
C.A. von Welsbach |
Vient du grec : neos (nouveau) didumos (jumeau) |
Prométhium |
1947 |
J. Marinsky, L.E. Glendenin, C. D. Coryell |
Prométhée |
Samarium |
1879 |
L. de Boisbaudran |
Samarskite (nom du minerai ) |
Europium |
1901 |
E. A. Demarcay |
Europe |
Gadolinium |
1880 |
J.C.G. de Marignac |
Gadolin, chimiste finlandais |
Terbium |
1843 |
C. G. Mosander |
Ytterby (ville de Suède) |
Dysprosium |
1886 |
L. de Boisbaudran |
Vient du grec : duprositos (d’un abord difficile) |
Holmium |
1879 |
P.T. Cleve |
Vient du nom latin Holmia désignant Stockholm |
Erbium |
1843 |
C. G. Mosander |
Ytterby (ville de Suède) |
Thulium |
1879 |
P.T. Cleve |
Thule (ancien nom de la Scandinavie) |
Ytterbium |
1878 |
J.C.G. de Marignac |
Ytterby (ville de Suède) |
Lutécium |
1907 |
G. Urbain, C.A. Von Welsbach, C. James |
Lutèce |
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